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Nicolas Massing : « Le Cameroun n’encourage pas l’investissement de la diaspora »

Titulaire d’un baccalauréat scientifique option mathématique, diplômé en Génie civile, rien ne le prédisposait à devenir une marque de prêt-à-porter masculin, à Paris. Pourtant les enseignes de ce natif de Douala, au Cameroun, illuminent le 64 rue Meslay, dans le 3è et le 51 rue Daguerre dans le 14è arrondissement de Paris. Rencontre avec un passionné de la haute couture de luxe qui voulait être médecin.

Vous habillez des personnalités du monde entier aujourd’hui. Comment le petit enfant né à Douala, au Cameroun, est arrivé à se faire un nom dans le milieu de la haute couture et dans une ville, Paris, réputée pour être l’un des temples de l’élégance à l’échelle de la planète ? Parlez-nous de votre parcours.

Je suis né à Douala, à la Cité Sic. J’y ai commencé mes études primaires avant de les continuer à Pk13 Bonamoutongo et à Logbessou, Pk14, où j’ai eu mon Certificat d’études primaires. Ensuite, j’ai intégré le CES Ndounguè, à Pk12, pour les classes de 6è et 5è, nous étions en 1992. J’avais des résultats honorables et il m’a été recommandé d’aller poursuivre mes études en France, dans l’optique de devenir médecin. En 1994, je débarque à Paris, dans le 20è arrondissement, où mon oncle m’accueille, rue Jean Jaurès, juste en face du Collège Jean Perrin. C’est dans cet établissement scolaire que je vais obtenir mon brevet des collèges. Dans la foulée, je m’inscris au Lycée Maurice Ravel, toujours dans le 20è arrondissement, pour passer avec succès un bac S Maths avec l’intention de faire médecine. Or, je me rends compte que c’est impossible, ma famille d’accueil n’avait pas suffisamment de moyens pour payer mes études en médecine. Il fallait donc que je trouve un cursus plus court me permettant de commencer à travailler à côté pour m’acquitter de mes frais d’études. Parallèlement, je m’oriente vers le Génie civil option bâtiment. J’ai fait un Dut Génie civil et obtenu une licence. Mais, l’urgence de mes obligations familiales va me contraindre à entrer dans la vie active, en faisant nombre de petits boulots, depuis le gardiennage et la sécurité jusqu’à la livraison de Pizza et le bâtiment… Et en 2004, je vais acheter un costume Rue Meslay, dans le 3è arrondissement de Paris, j’en profite pour causer avec le patron. Visiblement, il a trouvé ma personnalité intéressante, mon état d’esprit bon et mon sens de l’engagement. Il me propose de passer travailler pendant les vacances contre un petit pécule. J’ai dit pas de souci. Et c’est là que tout a vraiment commencé.

On le dit souvent, une rencontre peut bouleverser une vie. Comment concrètement ce patron d’une enseigne de haute couture, Rue Meslay, à Paris a changé la vôtre?

Il m’a appris la base du métier. Le choix des tissus et des modèles, la vente, la découpe… Voyant les progrès que je réalisais, la rigueur avec laquelle le restituais ce qu’il m’apprenait, il m’a ensuite proposé de démissionner là où je travaillais pour être son collaborateur à temps plein. Puis, il devait ouvrir une deuxième boutique dont il m’a confié la gérance. Mais comme il m’avait déjà tout transmis, je commençais à tourner en rond, ça devenait de la routine. En 2008, je me suis mis en association avec quelqu’un d’autre, dans une première enseigne et en 2010, dans une deuxième. Mais l’association s’est mal passée. On s’est séparé et j’ai décidé de me mettre à mon propre compte. Et sur l’inspiration du Seigneur et avec le soutien d’un frère en Christ, j’ai lancé ma propre marque en ouvrant mon premier magasin Nicolas Massing en 2011, 69 Rue Meslay. Et en 2019, la boutique Premium Nicolas Massing, 51 Rue Daguerre. Voilà un peu retracé mon parcours qui, comme on peut s’en rendre compte n’a pas été facile. Je conseille à tout le monde qui veut se lancer dans les affaires de répondre à deux exigences. La première concerne le type d’investissement. Soit, on est un investisseur, on investit de l’argent et on attend les dividendes. Peu importe le métier, on n’a pas nécessairement besoin de la connaître ce qui intéresse, c’est le retour sur investissement. Ou alors, on investit sur un domaine ou secteur qu’on maîtrise et qu’on aime, la passion. Je pense que l’investissement dans les affaires peut être rentable immédiatement, parce qu’il est éphémère, alors que l’investissement dans la passion paye avec le temps. Moi, j’ai investi dans la haute couture de luxe par passion. J’ai été obligé de faire fi de ma formation en Génie civil, pour recommencer l’apprentissage basique du prêt-à-porter. Tout cela a pris du temps, de l’argent, de l’énergie, j’ai sacrifié ma vie privée, mais ça m’a conduit à emmagasiner des connaissances, des astuces et ficelles de ce métier, à être en contact avec le terrain. Deuxième exigence, la rigueur et la discipline. On ne peut pas réussir sans faire la part des choses entre l’entreprise et les sentiments. La discipline est le moyen qui permet d’atteindre la rigueur et dans la rigueur, on a le pouvoir d’anticiper toutes les situations et donc d’investir sur les supports. Par exemple la coupe que j’ai aujourd’hui, le patronage que l’on voit, a été élaboré depuis 10 ans. J’y ai mis toutes mes économies pour qu’enfin il soit optimal. C’est ce qui fait aujourd’hui la coupe Nicolas Massing, avec le cintrage de face et le tombé des fentes derrières. Mon costume habille celui qui l’enfile. Je fais la différence entre porter un costume et être habillé par un costume. Sachant que vous pouvez porter un costume sans qu’il vous habille.

Le Cameroun, vous l’avez dit, est le pays qui vous a vu naître. Quels liens avez-vous gardé avec ce pays et quel regard portez-vous sur son évolution aujourd’hui ?

C’est mon pays d’origine, le pays de mes tripes. Dieu a voulu que je vienne à la vie au Cameroun. Et pour moi qui crois à la vérité de sa parole, c’est quelque chose de très important. Mais quand je regarde le Cameroun, aujourd’hui, j’ai mal, très mal. Parce qu’il y a beaucoup d’opportunités qui sont gâchées au Cameroun par rapport à la jeunesse, aux talents. Il y a beaucoup de gens qui sont plus talentueux que moi dans le prêt-à-porter ou la haute couture de luxe, mais que le Cameroun ne valorise pas du tout. Quel dommage qu’il faille venir en Europe pour être connu internationalement dans son activité professionnelle mais pas dans son pays de naissance. C’est vrai que nul n’est prophète dans son propre pays…Nous sommes nombreux de la diaspora à vouloir ouvrir des structures au Cameroun, mais le pays ne l’encourage pas. J’ai fait plusieurs propositions, pour habiller les Lions Indomptables, le corps diplomatique et d’autres entités étatiques, jamais je n’ai eu de retour. Ce n’est même pas une question d’argent, je voulais juste avoir la fierté d’honorer mon pays. Les services et personnes responsables de ces départements logistiques préfèrent traiter avec des entreprises étrangères. Allez donc savoir pourquoi. Or, il y a tant de choses à faire, à développer, à construire, à aménager, presque dans tous les domaines. La relève doit être assurée, le passage de témoin à la jeunesse, pour insuffler une nouvelle dynamique dont le Cameroun a besoin pour justifier, à jamais, qu’il est « Une Afrique en miniature ». Car, nul n’est maître de son temps.

Propos recueillis par Jean-Célestin EDJANGUE

Recueilli par J.-C.Edjangué à Paris

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