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Lettre aux jeunes leaders de l’ADDEC

Je m’oblige de vous présenter une lettre ouverte pour la simple raison que vous êtes enfermés dans une prison, dans un coin du pays, pour des raisons que je vais évoquer tout à l’heure. Je ne sais pas s’il faudrait que je m’attarde à ressasser les causes de votre arrestation, parce que depuis quelques jours la presse en a beaucoup parlé. Je suis un peu soulagé du fait que votre affaire a eu le pouvoir de supplanter la « une » des numéros de journaux qui n’étaient depuis lors consacrées qu’aux « prisonniers politiques ». Mais ma satisfaction est courte parce que vous n’êtes pas dans un état qui suscite le sourire. Même si cette situation peut être considérée comme une victoire, ce n’est pas de cette manière qu’elle devrait s’exprimer en ce moment. Vous êtes victimes de la simple défense des droits des étudiants. « Défense des droits des étudiants », une expression qui m’amène souvent à beaucoup m’interroger, parce que je me demande souvent si les étudiants dans ce pays ont vraiment des droits. Mais est-ce à dire que vous défendez ce qui n’existe pas ? Pas question ! Vous le faites parce que vous savez que des droits, les étudiants en ont, et ils doivent être respectés.

Je suis un peu déçu de la manière avec laquelle la jeunesse estudiantine de ces institutions concernées et du Cameroun même tout entier, a accueilli ces évènements. Les jeunes se réjouissent, applaudissent, sans toutefois reconnaitre que pour que ces têtes tombent, il a fallu que certains jeunes prennent leur courage à deux mains, risquent leurs vies, leurs carrières, et paient le prix de leurs libertés. C’est une grave injustice sociale que des absents lors de la moisson viennent cueillir avec réjouissance les fruits des récoltes. La preuve c’est que lorsqu’on a annoncé que 4 d’entre vous ont été arrêtés pour « incitation à la révolte et tentative d’atteinte à la sureté de l’Etat » (bien que le motif a changé plus tard en : organisation d’une manifestation non déclarée), le même engouement que vous aviez dans vos manifestations n’a pas été ressentie pour votre libération. Et je pourrais alors comprendre dès lors que la majorité des problèmes des étudiants vient de  la disparité d’idéologies en leur sein. Beaucoup sont des égoïstes, des espions, des achetés, des manipulés…face à des altruistes des intègres et des affranchis.

J’aimerais donc vous féliciter, pour le courage que vous avez à défendre les droits des étudiants, même de ceux-là qui vous combattent. Je n’oublierais jamais vos différentes marches et manifestations dans ce domaine-là. Votre dernière victoire vient le confirmer plus grandement à ma place. C’est rare au sein de notre jeunesse de voir des jeunes dévoués à des causes humanitaires et bénévoles comme c’est le cas avec vous. Des jeunes qui se mettent à contre courant du système, qu’on ne pourra même pas acheter avec tout l’or du monde. Rare de voir des jeunes épris des notions de civisme et de citoyenneté, habités par la culture politique, dans un pays où on ne l’enseigne même pas, arriver sans violence à renverser des régimes aussi fortement constitués avec des hommes forts à leurs têtes. Rare de trouver des jeunes qui sacrifient leurs intérêts propres et immédiats, sortent de leurs égoïsmes ravageurs, prennent des initiatives risquées, pour le bonheur à long terme des autres. C’est toujours un régal pour les yeux et une assurance pour l’avenir de voir comment vous réussissez souvent à réunir autour de vous des centaines d’étudiants pour la défense d’une cause juste et noble. Je n’oublierais jamais vos rassemblements et vos marches pour réclamer le « retour au foyer natal » du bébé « volé » et « sans nom » de Vanessa. Vous en avez payé le prix : les bastonnades et les arrestations arbitraires pour des raisons non justifiées.

Dans une ère où la plupart des jeunes sont monnayés pour adhérer à des regroupements de soutiens aux hommes politiques, à se réunir dans des associations aux bases ethniques et tribales, pour défiler pour telle ou telle raison en faveur du politique, vous restez fidèles à votre ligne éditoriale : le respect des droits des étudiants. Et vous le savez c’est une chose qui ne s’achète pas, il en va de l’avenir de ces jeunes, qui de manière corollaire est aussi l’avenir du Cameroun.

Vos différentes actions sont salutaires pour tous ces jeunes étudiants abandonnés à eux même dans les amphis, où mille d’entre eux sont assis à même le sol, debout sur les plantes des pieds, dans une salle d’une capacité de 301 places, attendant depuis des heures un professeur qui ne viendra pas, parce qu’il est en vacance improvisé entre deux avions. Ces jeunes abandonnés à eux-mêmes dans les toilettes bouchées, les restaurants de distributions d’aliments nocifs, les cités délabrées et précaires. Environnement où les seuls moyens de s’en sortir c’est de s’inscrire dans une groupe de répétition qui n’est qu’une société secrète en gestation, de monnayer quelques sous pour avoir des bonnes notes, dans le cas de l’impossible soulever sa jupe ou baisser son pantalon, moment où il n’y a pas de choix entre se laisser aller et se faire harceler. Dans ces cas, puisqu’abandonnés à eux-mêmes, il n’y a pas de place pour la revendication, de peur de passer sa vie là, cloué sur les bancs de la fac pour avoir osé parler.

Dans cette anarchie, ce désordre total, cette atmosphère d’amenuisement des droits les plus chers des jeunes, vous êtes, chers leaders de l’ADDEC, la seule personne morale disposée et disponible pour sauver ces jeunes du chaos et leur redonner espoir. Vous avez compris que si vous gardez le silence, vous été selon la théorie tutuiste, complices de l’injustice. Vous avez compris qu’il n’y a pas de raison de se taire. Et vous rassurez Achille Mbembé qui se disait ainsi : « l’on semble parvenu à une étape d’assagissement idéologique où la misère et la pauvreté ont dompté, paradoxalement, l’aspiration à la lutte frontale et ouvertement contestataire. » P.55 in les jeunes et l’ordre politique en Afrique.

Dans ce combat, long et noble, attendez-vous comme c’est le cas déjà à être torturés, contestés, incompris, mais « comme on ne se trompe jamais en faisant ce qu’on a à faire », faites-le, et s’ils vous donnent tort, l’histoire finira par  vous donner raison. Pour avoir fait ce pourquoi vous avez été appelé. Je vois donc en vous des jeunes en ce siècle qui pourront à cette question de Zola : Où allez-vous, jeunes gens, où allez-vous, étudiants, qui courez en bandes par les rues, manifestant au nom de vos colères et de vos enthousiasmes ?… Allez-vous protester contre quelque abus du pouvoir… Où allez-vous, jeunes gens, où allez-vous, étudiants, qui battez les rues, manifestant, jetant au milieu de nos discordes la bravoure et l’espoir de vos vingt ans ? Apporter cette réponse monumentale : – Nous allons à l’humanité, à la vérité, à la justice !

Alors que vive l’ADDEC, que vive la jeunesse estudiantine camerounaise !

Cordialement.

TATLA MBETBO Félix

Rédacteur en Chef à kamerhiphop.com

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