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𝐁adou Sosthène Banda (Architecte) : « En seulement un an, mon cabinet KEMET Studio a réalisé plus de 300 projets… »

Il fait partie de l’avenir de l’architecture en Afrique, son cabinet « KEMET Studio » est très sollicité (plus de 300 projets réalisés en une année). Badou Sosthène Banda est un Architecte d’origine Tchadienne qui vit en Pologne (Cracovie) et qui réalise des merveilles en Afrique. Nous l’avons rencontré, il nous parle de son métier si passionnant. Interview à lire…

Bonjour 𝐁𝐀𝐃𝐎𝐔 𝐒𝐎𝐒𝐓𝐇𝐄𝐍𝐄 𝐁𝐀𝐍𝐃𝐀, merci de répondre aux questions de Culturebene. En quelques mots, pouvez-vous vous présenter à nos internautes ?

Bonjour, je m’appelle Badou Sosthène Banda, Architecte d’origine Tchadienne.

Comment êtes-vous arrivé dans le monde complexe de l’Architecture ?

C’est une longue histoire car je n’ai jamais pensé un jour étudier l’architecture même dans mes rêves les plus absolus. Apres l’obtention de mon Baccalauréat série D obtenu en 2006, je décide d’aller au Nigeria pour faire mes études supérieures dans la ville de Zaria dans l’Etat de Kaduna. Arriver sur place on commence d’abord par un cours de langue anglaise intensif pendant une année académique avant de choisir la filière de notre choix et pendant cette période je fais la rencontre de quelqu’un (une fille tchadienne déjà en architecture) et elle m’invite dans son département. Je vous dirai la suite. Rire.

Comment avez-vous ressenti l’appel à faire ce métier ? Quels sont les moments marquants de votre formation ?

Je n’ai jamais eu un appel à faire ce métier, mais ce métier est venu vers moi-même sans forcer quoi que ça soit. Après la rencontre avec la sœur Tchadienne déjà étudiante en architecture. Elle me dit Sosthène j’ai assez de travail s’il te plait suis moi dans notre département tu vas m’aider à faire quelques exercices. C’est ainsi elle me guide je lui fais le travail et après quelques semaines elle revient me dire Sosthène j’ai obtenu une belle moyenne et je pense que tu pourras bien devenir un bon architecte. Je pense qu’il faut laisser l’idée de vouloir faire la médecine. C’est ainsi que j’ai déposé mon dossier en architecture et j’ai été retenu et j’ai commencé à l’université Ahmadu Bello University Zaria.

Pourquoi avez-vous décidé de créer un cabinet d’architecture ? Pourquoi le Nom Kemet ?

Franchement je n’avais pas pensé ouvrir un cabinet d’architecture aussi vite. Car après ma formation au Nigeria je suis venu en Pologne avec une bourse de l’Unesco pour faire les sciences de matériaux. Après cela j’ai décidé de faire les études d’architecture a la polytechnique de Cracovie. Mais pendant toutes ces années passées en Pologne je travaillais dans le domaine de l’informatique. Mais je faisais toujours des projets pour des particuliers. Et ils avaient un refrain qui était le suivant : Sosthène tu dois ouvrir un cabinet. Un jour un Monsieur m’a contacté via ma page Facebook Kemet Studio et quand j’avais fini son projet il a tellement insisté que j’ouvre le cabinet. Il m’avait demandé si j’avais le diplôme et tout. Je lui ai dit oui. Il m’appelait presque chaque semaine pour me dire de le faire. J’étais en CDI dans une entreprise d’information. C’est comme ça j’abandonne mon CDI et j’enregistre le cabinet en Pologne dans la ville de Cracovie et les choses ont commencé à avancer d’une manière exponentielle. Les demandes commençaient à se multiplier tous les jours.

Bon pourquoi j’ai décidé d’appeler mon cabinet KEMET STUDIO ? (Rire)

Quand j’étais nouvellement arrivé en Pologne je partais souvent en France et à paris je découvre le mouvement afrocentriste les kemites. Et je me rends compte que le nom de l’Afrique était plutôt KEMET (nom donné par les égyptiens anciens) qui veut dire la terre des noirs. Je me suis dit ça sera très bien de prendre ça et ajouter studio juste pour montrer derrière ce studio il y aura de l’intelligence noire derrière et c’est ainsi que j’ai décidé de nomme le cabinet KEMET STUDIO.

D’où puisez-vous votre source d’inspiration, nous voyons que vous des travaux spectaculaires quand nous allons sur votre page Facebook…

(Rire), parfois moi-même je suis un peu étonné par les volumes que j’arrive à sortir. Souvent quand un client me contacte pour son projet je vois directement le bâtiment dans ma tête. On dirait le bâtiment est déjà construit quelque part et je dois juste aller dans le monde virtuel pour le chercher. Parfois c’est pendant mon sommeil. Quand je dors je réfléchis toujours en terme de volume. Ma dernière source d’inspiration est le voyage car je voyage beaucoup. En plus je vois les volumes partout même quand je me promène.

Parles-nous un peu de ta Relation avec les clients. Comment choisis-tu tes collaborateurs ? Et comment tes clients te contactent ? Et comment les clients arrivent à te faire confiance car il faut au moins une confiance avant de travailler avec un Architect.

Je suis moi-même vraiment choqué quand je vois comment les choses évoluent. Les clients avec qui je travaille je ne les connais pas ni en personne interposée. Il me contacte souvent via ma page professionnelle KEMET STUDIO, soit par LinkedIn, Instagram et parfois via YouTube même. Souvent ce sont des messages précis, Monsieur Badou j’ai vu les maquettes que vous publiez souvent j’aimerai construire une maison, hôtel, appartements… J’ai bien envie d’entrer en contact avec vous pour plus d’information et c’est ainsi que ça commence jusqu’à ce qu’on commence à travailler ensemble. On se met d’accord sur les modalités et je les envoie le contrat ils signent et on commence le travail. Et ces clients me font vraiment confiance et m’envoient des sommes importantes vu que le cabinet n’a pas encore une représentation physique en Afrique.  Nous faisons des réunions à distance via zoom, Google-meet etc…

Comment travaillez-vous avec les normes de construction et les réglementations locales ? Car nous voyons que vous faites énormément des projets dans plusieurs pays Africains. Quelles sont les informations clés que vous devez avoir avant de commencer tous ces projets ?

Je fais effectivement énormément des projets dans plusieurs pays en Afrique : toute l’Afrique centrale, toute l’Afrique de l’Ouest et quelques pays en Afrique Australe, en Europe. Juste l’année passée le cabinet était à plus de 300 projets en une année. Ce qui est énorme pour un début. Les informations que j’ai besoin pour commencer un projet sont simples. Avant de commencer les projets dans chaque pays je me renseigne sur les normes d’urbanisme car chaque pays a ses normes et ses réglementations.  Avec toutes ces informations obtenues, je commence à développer les esquisses qui m’aideront à savoir : comment positionner la maison par rapport au voisinage ? Quelle distance laisser entre le bâtiment et la route principale ?… Après la conception du plan architectural en Phase APD (Avant-projet détaillé.). Je mets le client en contact avec un architecte local pour la signature du dossier afin de lui faciliter l’obtention du permis de construire.

Pouvez-vous nous donner un exemple de projet sur lequel vous avez travaillé et dont vous êtes particulièrement fier ? Quels sont les difficultés rencontrées dans l’exercice de votre profession ? Comment les surmontez-vous ?

J’aime tous les projets sur lesquels j’ai travaillé car chaque projet selon moi est particulier. Mais j’aime deux projets sur lesquels j’ai bossé. Une villa somptueuse au Sénégal et un hôtel dans la ville de Jacqueville en Côte d’ivoire. Ces deux projets font face à la mer et concevoir les projets comme ça me donne assez d’inspiration. Le Troisième projet sur lequel j’ai bosse et que je suis encore très fier sont un immeuble au Gabon et un autre hôtel au Tchad dans la ville de Sarh.

Bon comme dans tout corps de métier je rencontre des multiples problèmes. Il peut m’arriver de me réveiller et de ne pas avoir d’inspiration, je suis tout le temps occupé au téléphone soit dans les réunions, parfois j’ai pas trop le temps de me reposer car je dois contrôler ce que les employés font. Je dois tout coordonner et me rassurer que les taches sont accomplies à temps. Parfois il faut passer des heures pour expliquer les choses aux clients et bien d’autres choses.

Pour les surmonter parfois je prends ma guitare et je compose des mélodies, soit je décide de faire du shopping ou encore voyager. J’aime beaucoup voyager, rire et c’est une thérapie aussi pour moi. Ça me permet de m’évader un peu.

Nous voyons que vous êtes très actif sur les réseaux sociaux. Vous êtes bien suivi sur Facebook, LinkedIn et Instagram beaucoup des jeunes Architectes vous prennent pour modèle. Quel impact l’utilisation des réseaux sociaux a eu sur votre cabinet ?

Je pense que les réseaux sociaux peuvent changer la vie de quelqu’un comme le détruire aussi. Les réseaux sociaux ont carrément changé ma vie dans tous les domaines. Mes travaux sont appréciés partout même en Amérique latine, en Asie les étudiants m’envoient des messages pour me féliciter en m’encourager. Ils me disent souvent que je suis doué dans ce que je fais. Et souvent à travers ma page j’essaie de donner les conseils aux plus petits de travailler, de rester humbles et de croire. Car j’ai beaucoup connu la souffrance et beaucoup d’injustice. J’ai eu une enfance très difficile : la maladie, les problèmes financiers. Souvent j’ai l’habitude de dire j’ai fait ma filière d’architecture sans un ordinateur portable. Je n’avais pas les moyens aussi de me l’offrir ce qui a beaucoup affecter mes notes à la fac. Les jeunes africains sont en quête des modèles et je pense qu’on peut bien être un modèle pour ces jeunes. Avec l’avènement des influenceurs on doit utiliser les réseaux sociaux pour éduquer et non pour abrutir. Avec les réseaux sociaux j’ai énormément changé ma situation financière et j’ai eu la chance de rencontrer des grandes personnalités et faire des rencontres vraiment bien et augmenter mon carnet d’adresse.

Sosthène, l’homme, famille en environnement

C’est vrai que je suis un jeune ambitieux mais je pense que la famille passe avant mes ambitions. Je suis plutôt famille d’abord même si mes ambitions sont et restent grandes pour le futur.

Quels sont vos rapports avec vos confrères Architectes Tchadiens ? êtes-vous inscrit dans l’ordre National des architectes du Tchad (ONAT)

Nous avons des rapports cordiaux. Nous essayons de faire avancer les choses ensemble pour que le métier soit ancré dans la tête de la population. Tout va bien.

Quels sont les projets sur lesquels vous êtes en train de travailler actuellement ?

Actuellement nous travaillons sur plusieurs projets. Nous sommes désormais 7 dans le cabinet et le nombre doit augmenter à 20 d’ici peu de temps. Nous travaillons sur des logements de type appartements, des restaurant, nous travaillons sur les maisons d’habitation, nous travaillons aussi sur des hôtels et des grands projets immobiliers. Nous avons un lycée et un orphelinat cette année.

Aujourd’hui nous écoutons souvent parler d’usage des matériaux locaux qui sont une alternative pour créer une architecture durable. Comment intégrez-vous les préoccupations environnementales dans vos projets ?

En Afrique on parle de ce problème juste parce que nous ne sommes pas un pays industrialisé. On doit travailler les matériaux locaux et améliorer leurs conditions pour une durabilité dans les projets.

Nous avons déjà l’architecte Francis Kéré (premier Architecte Noir à obtenir le prix Nobel de l’Architecture) avec ces projets expérimentaux. Il nous faut des laboratoires qui nous aideront à comprendre la composante de ces matériaux. Comment les améliorer ? comment les adapter ? etc…

Quels sont les autres Architectes au monde que vous admirez, Avez-vous un modèle dans le métier ?

J’ai une admiration pour plusieurs Architectes au monde. Nous avons : Imhotep (Génie de l’Egypte antique), frank lloyd, Le Corbusier, Kenzo Tangue. Mais j’ai encore l’admiration pour ces trois architectes : Koffi et Diabaté (Côte d’ivoire): ils nous démontrent la force de la collaboration. Que les Africains peuvent se réunir et travailler ensemble et bâtir des structures puissantes. Pierre Goudiaby Atepa (Sénégal) : pour son sens d’affaire. C’est un Architecte brillant et qui a un grand sens dans le monde des affaires.

David Adjaye (Ghana) : J’ai une grande admiration pour lui et je pense un jour le rencontrer. Il est un symbole d’une diaspora qui ose.

Francis Kéré (Burkina) :  un symbole de la persévérance, son histoire te fait savoir que tout rêve est permis tant que nous sommes encore en vie. Il a commencé les études d’architecture tard malgré les difficultés rencontrées il est devenu un architecte de renom et le tout premier à avoir le prix Nobel de l’architecture. Il vient d’un background pauvre comme moi et je m’identifie beaucoup à lui depuis plus de 7 ans avant même qu’il ne devienne aussi célèbre.

Que pensez-vous de l’architecture Africaine ? Les défis de l’architecture Africaine et comment les relever ?

Je pense que nous les africains devront valoriser nos symboles africains et les insérer dans nos conceptions. Il y a un travail de fond à faire. Nos gouvernements doivent aussi faire confiance à nos architectes. Nos cultures doivent retentir dans nos conceptions. C’est ce que je vais commencer à faire dans les années à venir sur mes projets.

Je partage cet avis que je trouve pertinent tiré de la page : https://medium.com/@africatech/larchitecture-africaine-et-les-d%C3%A9fis-qu-elles-doit-se-poser-74e4bffe5724

Ces propos ne sont pas les miens :

On le sait que trop. Les villes africaines ont un vrai problème avec leurs identités architecturales. Et, au final, on ne peut pas leur en vouloir. Avec la colonisation, c’est toute l’architecture de l’Afrique qui a été effacée et “défigurée”. C’est difficile de retrouver son identité culturelle/ architecturale après avoir subi l’imposition architecturale d’un empire colonial.

On te sape ton identité. On nie ton passé architectural. Pire, on le dénigre; On te fait dire que ce sont des habitats d’indigènes. Sur tes fondations, on y construit des maisons coloniales. On te fait nier et désapprouver ton identité. On t’acculture doucement. On t’impose un style et un modèle qui n’est pas le tien et on te fait oublier d’où tu viens.

Oui, c’est ça, en terme franc et résumé (peut-être trop?) la résultante culturelle de la colonisation: Oublier, nier, voire mépriser ton identité. Et, cela passe par l’architecture.

À partir de là, comment veux-tu que l’architecture africaine soit affirmée? Celle-ci à été beaucoup trop longtemps bafouée pour qu’elles puisse retrouver ses lettres de noblesse.

D’ailleurs, en parlant de villes africaines comme d’un tout, on ferait presque une erreur capitale(!). L’Afrique est un bien trop grand continent pour assimiler toutes les villes dans un seul et même ensemble. Cela dit, pour faciliter l’écriture de cet humble article, on parlera des villes africaines comme un tout hégémonique dans sa crise d’identité au niveau architectural.

Pensez-vous vous rapprocher de l’Afrique ?

Bien sûr, l’Afrique est le futur même. J’ai déjà fait tous les papiers administratifs du cabinet au Tchad, je cherche aussi à m’installer en Côte d’ivoire pour piloter les projets de la sous-région (Afrique de l’ouest.)

Comment continuez-vous à vous perfectionner dans votre domaine ?

Je continue d’apprendre, je continue de côtoyer les ainés expérimentés, je continue de me former. Je pense que c’est le seul moyen de garder le niveau et de rester toujours humble car je continue toujours d’apprendre.

Un mot de fin pour les jeunes africains qui aimeront suivre vos pas ?

Rester humble, travailler, accepter le processus. Rien n’est facile mais tout est possible si on s’impose la discipline. Etre honnête, sincère et respectueux. Aimer ce que l’on fait et compter sur Dieu pour le reste.

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