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Gaston Kelman : « J’ai toujours mangé du Mitumba… »

L’auteur de « Je suis noir et je n’aime pas le manioc » séjourne au Cameroun depuis plusieurs dans le cadre de la tenue de la 20ème édition du Festival Ecrans Noirs dont il préside le Jury Documentaires internationaux et documentaires étrangers. Nous nous sommes rapprochés de lui dans le but de revenir sur quelques anecdotes qui ont marqué cet évènement, non sans faire un crochet sur son actualité notamment sa toute dernière parution qui traite du racisme, mais aussi sa préférence du « Mitumba » (met local)…

Bonjour Gaston Kelman et merci déjà de nous prêter votre voix ; nous célébrons la 20ème édition des Ecrans Noirs et forcément quelques anecdotes vous reviennent quand on évoque la tenue d’un tel évènement…

Et c’est peu de le dire… Vous savez je suis venu plusieurs fois à ce grand rendez-vous et il me souvient d’ailleurs qu’à une époque où M. Basseck et moi-même avions pas mal d’achoppements dans nos débats intellectuels du côté du Centre Culturel et même du Kaba Ngondo. Je me souviens très bien être arrivé à 18h et j’ai trouvé la conférence en cours alors l’assistance m’apercevant s’est mise à rire surtout quand Basseck a lancé ; « Ah ! mon ami Gaston est là », puisque les gens nous savaient des ennemis (rires). C’est vrai qu’on se bagarrait tout le temps mais les gens ont vite fait d’oublier que quand on est intellectuel on sait reconnaitre la valeur de l’autre ; personnellement par exemple, je ne sais pas si sur cette planète quelqu’un peut nier  la valeur d’un monsieur comme Basseck Ba Khobio comme étant le premier cinéaste hormis d’être grand intellectuel vu qu’il a beaucoup écrit mais beaucoup l’ignorent encore. Il reconnaissait ma valeur, et la sienne n’en était pas moins indéniable, il porte une casquette et moi un bonnet, puis nous avons toujours été en quelque sorte des révolutionnaires. Une autre anecdote me vient à l’esprit, celle de la 10ème édition des Ecrans Noirs lorsque Samuel Eto’o a fait irruption au village du festival, c’était simplement incroyable, on n’arrivait à faire un pas tellement il y avait du monde et sa bousculait de partout. Mais ce qui a le plus retenu mon attention c’est que cette dixième célébration a failli être salie, car on a été frappé par une coupure d’électricité en pleine projection, je ne sais vraiment pas si c’était un sabotage… Il était très curieux qu’à un moment aussi puissant et crucial que celui-là que l’on en vienne à « couper » l’électricité or on venait de passer une semaine folle de conférences et autres colloques et tout s’était passé super bien. Bon je vais sortir avec cette autre anecdote, celle de l’horreur que j’ai ressenti en regardant le film de Claire Denis « white material » ; croyez-moi je critique souvent avec modération et respect mais sur ce film que j’appelle ineptie, j’y suis allé très fort et je prie Dieu que l’on n’est plus à regarder ce genre d’ineptie là. Il est inadmissible que l’on nous serve un film dans lequel une femme blanche est dans une plantation où elle commande tout le monde et on y aperçoit des camerounais en train de se battre avec des lances… « White material » qui expliquerait que les camerounais ou les noirs en général ne devraient pas utiliser des gadgets et autres téléphones portables car ce sont des objets des blancs qui viennent corrompre les noirs etc, on y voit des élus corrompus et tout… Bref des images qui ridiculisent le Cameroun et l’Afrique entière. J’y y ai mis toute mon énergie, et le blanc qui a encore ce regard de l’Afrique et bien j’ai voulu lui faire ce coup de gueule bien mérité.

Justement, beaucoup connaissent votre franc-parler, forcément il aurait influencé votre choix comme président du jury Documentaires internationaux et documentaires étrangers … Quels sont vos réels sentiments relatifs à l’avancée des documentaires au pays en termes de qualité et même de quantité ?

J’espère que vous serez là après le 23 juillet pour me poser cette question car on aura déjà délibéré et éventuellement choisi le meilleur. Sinon je pense que le documentaire -comme c’est le cas pour l’écriture ou la musique en Afrique- a nettement progressé. C’est pas la première fois que je préside un jury et surtout dans le documentaire, et très souvent j’ai fait le triste constat que les gens confondent les notions « documentaire », « magazine » et « reportage ». Heureusement cette année, sur tout ce que j’ai pu voir jusqu’ici il s’agit bel et bien des documentaires, c’est-à-dire un pan de l’histoire que quelqu’un reprend avec des témoignages, des images d’archives, un parti pris ou un regard qu’il pose sur la société ou sur un évènement.

On vous sait très avant-gardiste sur les questions liées au racisme, d’ailleurs votre tout récent ouvrage en fait mention ; peut-on revenir dessus ?

Mon dernier livre est intitulé « La France pays de race blanche vraiment ? », je l’ai écrit à la suite des propos d’une élue française, Nadine Morano, qui disait : « La France est un pays de race blanche judéo-chrétienne ». Je lui rappellais juste qu’un pays n’a pas de couleur, surtout à l’ère de la mondialisation. Un pays n’est pas une religion non plus. Et ce qui est dommage c’est que l’on retrouve cette mentalité un peu partout ; je pari qu’au Cameroun beaucoup pensent que c’est un pays de noir, tout comme Nadine pense que la France est un pays de blancs ou que d’autres estiment que les noirs américains sont des africains or ils refusent d’accepter que les blancs vivants en Afrique du Sud sont des africains.

Gaston Kelman, merci encore et surtout bon séjour chez vous ; on espère que vous avez eu le temps de goûter au manioc de Yaoundé…

(Rires) J’ai toujours aimé du Mitumba, je n’ai jamais refusé de manger du Mitumba, d’ailleurs invitez-moi quand vous voulez.

 

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