ChroniqueMusique

Laissons-les mourir en paix !

Remember Zanzibar !

Vingt-sept ans déjà que l’orfèvre du Bikutsi s’en est allé. Soliste émérite sur des terres davantage fertiles en bassistes, il a traversé la scène camerounaise avec la sagacité et la fugacité des éclairs. Vingt-sept ans. Presqu’une éternité. Et quelques «naïfs» (Abdelaziz Moundé, Tony Mefe…) ont cru bon, cette semaine, de nous imposer un devoir de mémoire. Posts, chroniques, note de lecture, vidéoclips,…ils ont usé de tous les subterfuges médiatiques pour ressusciter le génie Epeme Theodore dans nos esprits. Au nom du devoir de mémoire. Devoir de mémoire ? Ils sont vraiment tombés sur la tête, ces quidams moraliseurs ! Qu’est-ce que nous en avons à foutre ? Nous n’avons pas encore arrêté la formule la plus hypocrite pour nous débarrasser de l’encombrante dépouille de Joe Mboulè qu’ils viennent polluer notre conscience !

Zanzibar, «Essingang», «Les Têtes Brûlées»…et puis quoi ? C’est ça qu’on mange ? Au cas où vous ne l’aurez pas encore compris, Messieurs François Bingono, Augustin Charles Mbia, Jean-Maurice Noah, Abdelaziz Moundé, Tony Mefe, Thierry Minkoo, Aimey Bizo, Jay Jay Momene, Hans Mbong, Felix Tatla, nous avons fièrement et définitivement pris parti pour l’Instant, le «buzz», le factice et l’évanescent. Notre CULTURE se résume aux trois premières lettres du mot. Et l’Histoire n’en fait pas partie. Nous sommes dans «l’âge de la pipe taillée» (dixit Krotal) et nous ne savons comment sucer des fossiles. Excusez la grossièreté : chez nous, «ça sort comme ça sort»….

Nos plus belles œuvres d’art se trouvent sous la ceinture. Celles-là, mieux que les vôtres, nous rendent vraiment «Pala Pala». Pour faire émerger notre culture, nous assumons de ne pas acheter des supports originaux. Trop chers. Bien plus chers qu’une bière. Quand bien même un CD couterait 1.500 fcfa, il serait encore trop cher. Plus cher, de toutes façons, qu’un transfert de la chanson-phare du même album à …25fcfa (lorsque ce n’est simplement pas gratuit). Des illuminés tentent quelques fois de «démocratiser» l’accès à des productions de qualité : Ruben Binam et son «Culture Mboa», Thierry Ntamak et son «Cinéma au prix d’une bière»,…Ces initiatives au parfum de feymania nous paraissent tellement suspectes, que nous n’y adhérons que modérément. Très modérément. Avec la conscience tranquille de personnes qui savent que nos artistes n’ont besoin ni de notre respect, ni de notre investissement financier pour vivre. Non, nous n’avons pas besoin d’honorer la créativité de nos artistes par un acte d’achat.  Nous n’avons même pas à veiller au respect de la propriété intellectuelle ou des droits d’auteur. Nos artistes se débrouilleront seuls. Comme Anne Marie Nzié hier, et Liza T. aujourd’hui. Pour le reste, Dieu (qui s’appelle parfois aussi Paul Biya ou Samuel Eto’o) reconnaitra les siens…

Ça vous émeut que la souffrance devienne spectacle et que la douleur nous amuse ?  Nous, non. La tragi-comédie existe depuis le XVIème siècle et ce n’est pas une création Bantu.  Alors, confortablement installés aux premières loges d’une passivité quasi-criminelle, nous regardons nos artistes tirer le diable par la queue, chaque jour, pour notre plus grand divertissement. A la création, coulant des mièvreries érotico-sexuelles sur des constructions rythmiques sans relief pour arracher rapidement nos applaudissements. A la production, mendiant l’implication financière des plus puissants d’entre nous à coup «d’Atalaku» dans leurs œuvres et prestations. A la distribution, pactisant avec mille et un diables dans le seul espoir de gagner un peu de visibilité marchande. A la promotion, obligés de se muer en attachés de presse de fortune à la merci d’hommes/femmes de media vénaux. A la rétribution/droits d’auteur, où vaudou, métaphysique et magie noire achèvent de consacrer l’imposture….Nous regardons, dansons, rions puis….oublions. Bebey Manga, Charlotte Mbango, Francis Bebey, Willy N’for, Noel Ekwabi, Lapiro de Mbanga, Guy Lobé, Jean Miché Kankan, Jimmy Biyong, Essindi Mindja,….La Terre s’est refermé sur ces héros après d’âpres batailles individuelles contre la maladie ou la mort.  Devant notre indifférence, notre froideur, notre démission collective.

«Et ce n’est pas fini»! Notre détermination à bruler les symboles, détruire l’imaginaire et sacquer l’Histoire est sans borne. Elle ne se laissera pas démonter par le flot d’émotivité puérile qu’instillent insidieusement Abdelaziz Moundé, Tony Mefe & Co. Il n’y aura jamais de «Rue Alexandre Biyidi» à Foumban, de carrefour «Medjo me Nsom» à Ngaoundéré,  de salle «Ali Baba» à Ebolowa, de lycée «Eboa Lottin» à Bétaré-Oya ou de musée «Sita Bella» à Bamenda. Pour quoi faire ? Nous avons tué «Kulu la Tortue» et les soirées Conte vespérales dans nos contrées. A coups de reins tournoyant lascivement dans nos vidéogrammes, nous travaillons à préserver les générations à venir de la barbarie du «Bol» d’Owona Anderson ou de «l’Ambassi bey» de Salle John. Tant et si bien qu’il n’y aura bientôt plus personne pour parler de René Jam Afane à ces gamins si fiers de se rendre au Lycée….Leclerc. Et s’ils ne connaissent pas le père, comment connaitront-ils le fils, André Ze Jam Afane, musicien et conteur de réputation internationale ? La stratégie est huilée, d’une efficacité redoutable. Elle a été expérimentée avec succès à l’Est du pays où nous avons déjà convaincu une communauté entière que la dynastie «Sabbal Lecco» s’est éteinte avec la disparition du patriarche Félix en octobre 2010. Les frères Armand, Roger et Felix ? Bof !!! D’obscurs personnages ne méritant pas notre attention…

Alors, «Remember Zanzibar» ? Pourquoi ? Et pourquoi lui ? Messieurs François Bingono, Augustin Charles Mbia, Jean-Maurice Noah, Abdelaziz Moundé, Tony Mefe, Thierry Minkoo, Aimey Bizo, Jay Jay Momene, Hans Mbong, Felix Tatla……sachez que nous avons mieux à faire… Tellement de «petites» à coller!

D’ailleurs, est-ce que votre Zanzibar-là, de son vivant, a eu 1.000.000 de vues sur YouTube comme Franko ?

Nick B.

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2 commentaires

  1. Belle prose satirique qui touche le coeur du problème, la déchéance de tout un système et son manque criard de repères éthiques et artistiques… Ça sort comme ça sort, j’ai découvert il y a deux semaines et coller les petites la semaine dernière. Mes amis m’ont dit que que suis derrière. Et sur le coup j’avoue n’en point rougir, si être devant c’est boire la lie de ce gouffre puant. La culture n’est plus ce qu’on a pensé qu’elle était, mais la première syllabe de ce concept elle est demeurée inchangée. Après le rire, parce que dépassé par tant de bêtises, parlons comme eux, on doit quand même aussi ne pas oublier que les Essamba, et les à cheval en passant par les pédaler et autres petites adeda (qu’on dit disponible et ne vouloir que son argent) et qui aimerait le son des petites clochettes, megon en langue bantoue… Toutes ces perles, on en a celles qu’on peut, ne date pas d’il y a deux semaines (pour moi avec la découverte des colleurs des petites, j’y perds mon latin, mais et p8 koi?) Ou d’avant pour parler comme ceux qui ne sont pas derrières, mais bien des années 90. Qu’est ce qui n’a pas marché? Pourtant de dieu le piètre, le plus vieux, on le dit amateur de musique classique, excellence en matière d’art si besoin est. Mais pourquoi ne pas l’avoir instillé, ce goût dit sélect-là, à son peuple? Nous sommes le fruit de nos expériences et de nos actions et j’ajouterai même de ce que nous écoutons… A mouf, je commente mon père? … Ma seule crainte mon cher Nick, c’est que ce cri d’alarme ne soit pas entendu, très peu…jouissif, vois-tu? C’est pour vous là bas, les longs crayons qui aimez (hear) ya! Ce que le peuple plongé dans sa perte veut, c’est qu’il faut mettre l’argent à terre. De nos remarques, à mouf tu parles à qui, nous critiquons nos mères? … Pauvres mères nourricières et aimantes évitons leur le manque de respect que la jeunesse folle et imbécile d’aujourd’hui ne sait plus donner à qui de droit. La culture bantoue n’est plus ce qu’elle était. Dirions-nous hélas demain?

  2. Merci Nick B pour cette écriture caricaturale, agressive,mais surtout très engagé comme le voudrait mon feu ami le Colonel WANGMENE. J’espère pour toi que 80% de tes lecteurs comprendront que dans ta provoque, il ya une invite au changement de comportement

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