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Fou Malade : « Il est important qu’il y’ait un public africain qui consomme la musique africaine »

Le Sénégal est une terre qui représente l’intégrité et la fierté africaine de par le monde ; un exemple de poids dans le concert des nations émergentes. Parmi les atouts immenses de ce beau pays, la musique est consommée comme partout sur le continent. Les grands noms y fusent et l’artiste Fou Malade est bien classé dans le pôle conscient de cette magnifique assemblée mélodieuse. Il collabore aisément avec de nombreuses figures : Youssou N’Dour, Amadou et Mariam, Didier Awadi, etc. Son style engagé très apprécié ravit les éloges de la jeunesse et lui ouvre les portes d’Africa Fête Itinérant. C’est le Festi-Bikutsi 2014 qui lui offre l’opportunité d’atterrir de pleins pieds au centre des musiques bantoues avec plusieurs artistes aussi talentueux que lui. Fou Malade s’exprime ici sur son engagement, le Festi-Bikutsi, etc.

Bonjour Fou Malade, bienvenue au Cameroun. Comment te sens-tu ?

Je me sens très bien, je découvre le Cameroun. C’est un pays très hospitalier, avec beaucoup d’humour, beaucoup d’énergie, beaucoup de verdure, en tout cas Yaoundé. Je suis très content d’être là.

Pourquoi « Fou Malade » ?

Euh Fou Malade tire sa source du premier album de mon groupe Bataillon Blindé. Donc au départ c’est le titre d’une chanson qui est devenu mon nom. Je suis un personnage artistique. Un artiste qui s’intéresse au sujet de la folie ! Depuis longtemps, je travaille sur ce sujet là et je m’intéresse à tout ce qui touche à ce sujet là ! A un moment j’ai fait un texte qui a fait partie de mon premier album et qui a eu un grand succès et qui m’a révélé au grand public. C’est pourquoi on m’appelle Fou Malade.

En même temps tu es un artiste engagé, un activiste on dire. Pourquoi avoir choisi ce pan là pour orienter ta carrière ?

Parce que la plupart des musiques africaines ou les musiques qu’ont présentait comme les musiques nationales du pays sont des musiques à vocation festive. Nous savons que les artistes et les musiques doivent jouer un rôle dans la transformation sociale. Et nous avons choisi de faire du Hip Hop, le point central. L’engagement est très indispensable à la musique Hip Hop.

Toi tu viens du Sénégal et tu fais partie des artistes sélectionnés dans le cadre du projet Africa Fête Itinérant. Tu formes d’ailleurs un duo avec Noumoucounda. Est-ce un nouveau groupe ou bien c’est juste dans ce cadre ci ?

Non ! Il y’a eu une erreur au niveau de l’écriture en présentant Noumoucounda et Fou Malade. C’est comme ci c’était un groupe ! Noumoucounda est un artiste joueur de Kora et il a sa  carrière à part, il a longtemps cheminé avec son groupe Positive Black Soul du Sénégal. Fou Malade c’est un artiste à part dont ses musiciens vont arriver bientôt et on va donner un concert le 15 Novembre en Live au Camp Sonel. Donc, c’est très très différent. C’est ça !

Tu viens d’un pays où on a de très grands noms comme le grand Youssou N’Dour, Viviane Chidid, Didier Awadi qui fait dans du Hip Hop engagé comme toi et j’en passe. Comment se passe l’ambiance au pays ? Que ce soit dans le milieu Hip Hop ou dans le Mbalax ?

Au Sénégal, le Mbalax est la musique qui domine mais le Hip Hop a réussi à trouver sa place, à garder son originalité, à s’imposer. Parce que sur le plan civique, sur le plan de l’engagement citoyen, sur le plan de la représentation du peuple, le Hip Hop continue de jouer son rôle. Les mutations économiques ou bien les exigences du temps modernes n’ont pas eu une influence négative sur le Hip Hop. C’est-à-dire que si aujourd’hui on parle de modernisation du Hip Hop, les sons sont devenus beaucoup plus puissants. Il y’a beaucoup plus d’exigences au niveau des techniques de mastering, de mixage, … Les textes restent toujours beaucoup plus engagés, beaucoup plus scotchés aux réalités sociales.

L’actualité sociopolitique et économique en Afrique est très chaude ces temps ci. On a Boko Haram ; on a le Burkina Faso qui se mue. Quelle est votre opinion, vous Fou Malade à ce sujet ?

Moi je pense que l’Afrique est dans un contexte sociopolitique assez particulier où on retrouve encore des dirigeants qui restent et veulent encore rester au pouvoir, qui parlent de démocratie alors qu’ils ont un système dictatorial parce que 32 ans, 27 ans au pouvoir et vouloir demander le 3ème mandat comme ça a été le cas au Sénégal, je veux dire que ce n’est pas très démocratique, ce n’est pas quelque chose qui promeut la démocratie. Et que par rapport à ça, il n’y a que le peuple qui doit jouer son rôle parce que les députés censés représenter le peuple à l’assemblée, représentent leur partie et ne représentent pas la patrie ! Il est important que le peuple prenne son destin en main. Il s’est passé cela en Tunisie, en Egypte et même au Sénégal avec le Mouvement Y’en a Marre ! Ça veut dire sous la houlette du mouvement Hip Hop à Dakar qui est très engagé. Mais il s’est passé la même chose récemment au Burkina Faso. Et je pense que ce qui s’est passé dans ces pays là va forcément influencer les autres pays comme le Cameroun, le Zimbabwe, la Gambie, etc. Il est important que le peuple agisse, que le peuple dise son mot mais dans la paix. C’est important. On peut lutter sans violence parce que Mahatma Gandhi allait dans ce sens là.

Je pense aussi que la jeunesse qui représente surtout un pourcentage important dans la jeunesse africaine. Une jeunesse très différente de la population européenne qui est marquée par la difficulté de renouvellement de sa génération. Cheikh Anta Diop le disait : « Les ressources humaines sont la meilleure ressource d’un pays ». La Chine s’est développée à partir de ses hommes et je pense que l’Afrique est encore jeune malgré les événements douloureux que ce continent a connu : l’esclavage, la colonisation, les guerres ethniques, etc. La jeunesse continue d’être là ! La population est encore jeune. Je pense qu’il faut compter sur cette jeunesse, elle ne doit pas attendre. La jeunesse doit refuser le baby-sitting des parties politiques et des confréries religieuses. La jeunesse doit s’engager.

Tu es au Cameroun dans le cadre du Festi-Bikutsi et tu travailles en résidence depuis une semaine déjà. Quelle est ton opinion à propos de ces artistes avec qui tu es en résidence ?

Là je suis en train de travailler avec une chanteuse béninoise, Sessime ; une chanteuse du Cameroun, Dominique Essam qui fait dans du Bikutsi, dans le Jazz et aussi dans le Blues avec une voix extraordinaire. Donc, j’essaie encore de mixer la culture Hip Hop à ce que ces deux là font pour avoir de nouveaux sons. Il y’a aussi la Kora de Noumoucounda qui intervient de temps en temps. Je pense que  cette résidence a pour objectif de créer de nouveaux sons c’est-à-dire à partir des rythmes africains et voir comment il faut faire le brassage entre le Hip Hop, le Mbalax, la Kora, le Bikutsi, et le Tèkè du Benin. Donc je pense qu’on arrivera à un résulta très intéressant qui pourra être proposé à l’international et nous donner l’occasion  de circuler en Afrique parce que quand même il faut parler de la circulation des artistes en Afrique. Les artistes africains circulent beaucoup plus en Europe qu’en Afrique. Il est  important qu’il y’ait un public africain qui consomme la musique africaine.

Et ton mot de fin ?

Euh je voudrais lancer un message fort à la jeunesse du Cameroun, à la jeunesse africaine en général, que le Hip Hop est un excellent levier d’émancipation citoyenne. Et que les changements, les transformations sociales peuvent passer par le Hip Hop parce que le Hip Hop est vecteur de message de justice, d’unité, d’amour.

 

 

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