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Jay – Z et Beyonce le couple Roi de New York

A deux, c’est mieux. Surtout quand il s’agit de prendre le pouvoir, de conquérir une ville. Jay-Z et Beyoncé l’ont compris très tôt, dès les premières manifestations publiques de leur couple, vers 2003, avec leur duo inaugural, "03 Bonnie & Clyde", version revisitée du mythe du couple de gangsters élégants, bravant tout, téméraires dans chacun de leurs actes et jusque dans leurs choix vestimentaires.

Dès ce moment-là, ils ont été ensemble l’illustration la plus parfaite de l’expression power couple – couple de pouvoir dans lequel chacun occupe dans son domaine une place de choix et, ensemble, squattent l’intégralité du panthéon, ou à peu près. Leur domination sur la pop contemporaine passe par leur mainmise sur une ville, New York, intrinsèquement identifiée à eux, aussi sûrement qu’elle a pu être, des années durant, la cité de Lou Reed ou des Talking Heads, du jazz ou de la disco. En 2013, donc, Jay-Z et Beyoncé peuvent allègrement prétendre à un titre qui n’a rien d’usurpé : ils sont, sans conteste, les monarques de New York.

Lui, le premier, a rétrospectivement illustré sa conquête du pouvoir et de la ville dans l’un de ses tubes, le morceau "Empire State of Mind" (2009), référence explicite au building le plus connu de la ville. Dans cette chanson, Jay-Z, en mode confession autobiographique, relate avec une fierté non feinte son ascension sociale liée à la ville. Dès les premières minutes du morceau, se proclamant "nouveau Sinatra", il reprend à son compte cet adage inscrit dans le "New York, New York" du crooner : "Si on réussit ici, on peut réussir n’importe où."

"Empire State of Mind" est ainsi un morceau quasi théorique, où citer Sinatra revient à se glisser dans un sillage de stars, à la fois glam et canailles, inscrites dans une mythologie très américaine. Jay-Z n’ignore pas que Sinatra était lié à la mafia et qu’exsude de cette relation quelque chose qui tient du romantique et du sulfureux, de la bravade et du crime. En quelque sorte, il s’incruste là dans la lignée des mafieux italo-américains blancs, qui ont longtemps eu la main sur la ville.

Une ville dont il réclame explicitement la souveraineté à travers le clip de sa chanson, dérive très contrôlée dans la plupart des clichés touristiques liés à la ville, de ses zones les plus chics à celles qui ne le sont guère, contrebalançant en permanence les images les plus bling avec des zestes d’endroits plus âpres, référençant des zones de la ville moins rutilantes, moins embourgeoisées. Celles-là mêmes qui l’ont vu, lui, grandir et s’en sortir, passant des HLM de Brooklyn à une carrière d’entrepreneur rap, jonglant entre carrière musicale et management de diverses marques, dont une de vêtements, nommée Rocawear, dont la seule vente des droits lui rapportait 204 millions de dollars en 2007.

Au-delà du morceau même, Jay-Z s’implique souvent dans les affaires de la ville, comme en 2011 lorsqu’il s’est affiché publiquement auprès du mouvement Occupy Wall Street, pour lequel il a imaginé des tee-shirts. Leur collaboration aura duré une année : le temps suffisant pour Occupy Wall Street de s’essouffler et pour Jay-Z de sculpter un peu plus précisément son image de rappeur entrepreneur engagé dans sa ville – dont on l’imagine facilement devenir maire. Après tout, question passage du spectacle à la politique, Ronald Reagan et Arnold Schwarzenegger avaient ouvert la voie.

Beyoncé, s’agissant de New York, n’est pas en reste. En dérivant sur YouTube, il est facile de trouver une vidéo d’elle s’emparant de la peau (ou plutôt du répertoire) de Frank Sinatra. Dans ce film reprenant un show télévisé, elle est vêtue court et toute de noir à l’exception d’un chapeau et de souliers rouges, dans une ambiance de music-hall qui évoque Liza Minnelli telle que la filmait Martin Scorsese dans son film "New York, New York" (1977). Beyoncé chante d’ailleurs sous l’oeil attentif et très séduit de Robert De Niro, star du film de Scorsese et acteur new-yorkais par excellence.

Une passation de pouvoirs ? En tout cas, une passation de génération, signifiant en quelque sorte que le pouvoir symbolique est passé à New York d’une génération des années 1970 et 1980, celle formée autour de Scorsese, à une autre bien plus jeune, même pas quinqua, à peine trentenaire ou quadra, née dans le hip-hop et le R’n’B. Les premiers filmaient New York comme un personnage principal de leur cinéma – du "Taxi Driver" de Scorsese (1976) au "King of New York" d’Abel Ferrara (1990).

Les seconds chantent New York comme un territoire à conquérir, un trophée qu’il faut gagner et à partir duquel il s’agit de s’emparer du monde. Longtemps, Jay-Z aura été en guerre avec d’autres rappeurs au sujet, précisément, de cela : déterminer l’identité du vrai roi de la ville – sa querelle avec le rappeur Nas aura duré de 2000 à 2005. Mais elle semble bien dérisoire désormais tant Jay-Z a écrasé tous les autres prétendants.

D’ailleurs, il n’existe guère aujourd’hui, dans la pop culture au sens large, d’autres couples aussi puissants que Jay-Z et Beyoncé. Mis à part, au fond, Barack et Michelle Obama le seul autre duo avec lequel Jay-Z et Beyoncé s’affichent publiquement. Et le seul aussi à avoir pâti des récentes vacances du couple de musiciens à La Havane : escapade perçue comme une épine dans le pied du président des Etats-Unis, ne serait-ce que parce qu’il n’a pas pu l’empêcher, malgré son attachement à Jay-Z dont il a déjà dit être grand fan.

Au final, leur fait d’armes le plus spectaculaire demeure la chanson "Crazy in Love", tube planétaire, écrit sur un échange de mots doux et sexy, qui fleurent parfois la bluette adolescente, mais qui, par moments, touchent à un étrange génie de l’écriture pop, lorsque le morceau cite explicitement Tony Soprano, personnage mafieux, héros de la série "les Soprano", régnant sur un petit monde juste aux frontières de New York. Se rêver Soprano, c’est avouer sa quête de gloire et de fortune, mais avec, tout de même, quelque chose de cassé au fond de soi. 

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